Julienne Joséphine Gauvin, plus connue sous le nom de Juliette Drouet, nait le 10 avril 1806 en Bretagne dans la commune de Fougères. Ses parents sont de modestes tailleurs, ils décèdent alors qu’elle n’a que quelques mois. Elle grandira dans un couvent puis chez son oncle René Henry Drouet, qui part s’installer à Paris. Elle suit une scolarité très studieuse dans un pensionnat religieux à Saint-Mandé, jusqu’en 1821. Extrêmement belle, elle devient à 19 ans la maîtresse d’un sculpteur célèbre, James Pradier avec lequel elle a une fille, Claire. Elle est son modèle et sa muse et il la pousse à devenir comédienne, sous le nom de famille de celui qui l’a élevé. Elle se produit dans différentes pièces, avec plus ou moins de conviction et finit par séduire ainsi bon nombre de messieurs par son émouvante beauté. Elle commence à papillonner et collectionner les amants de l’aristocratie européenne qui lui offrent un peu de légèreté et un certain confort financier. En 1833 Victor Hugo assiste à l’une de ses représentations, celle de Lucrèce Borgia où elle joue la princesse Negroni. Il en tombe fou amoureux alors qu’il est déjà marié avec Adèle Foucher avec laquelle il a eu 5 enfants et qu’il multiplie les adultères. Victor Hugo est né le 26 février 1802. Lorsqu’il rencontre Juliette, il est déjà une personnalité reconnue du monde politique, social, littéraire, artistique, poétique, dramaturge, montant de nombreuses pièces de théâtre en parallèle de son travail d’écriture.
Passionné par ce milieu, il tombe immédiatement sous le charme de la personnalité de Juliette et de la douceur de sa présence. Elle devient sa maîtresse et renonce à ses prétendants. Très exigeant et possessif, il la convainc très vite d’arrêter sa carrière pour se consacrer uniquement à lui et à leur amour. Par amour pour lui, elle se calfeutre donc chez elle, renonce à ses autres liaisons, à la compagnie de ses amies et ne sort qu’au bras du très courtisé Mr Hugo. Amoureux fougueux, cela n’empêchera pas Hugo de continuer à avoir d’autres maitresses, et de se trouver d’excellentes excuses pour se faire pardonner. Elle est celle qui apaise le maître, l’écoute, le calme, le conseille. Ils ne se cachent absolument pas, et lorsque Claire, la fille de Juliette décède subitement, c’est Victor Hugo qui accompagne le cortège auprès du père de l’enfant James Pradier, car elle-même est trop effondrée pour assister aux obsèques. Côte à côte dans les épreuves elle reste sa confidente et sa principale alliée en toutes circonstances.
Elle est avec lui dans les Pyrénées lorsqu’il apprend le décès de sa fille chérie Léopoldine, elle le soutiendra comme il le fit avec la perte de sa propre enfant. Très engagé en politique, Victor Hugo doit pourtant s’exiler en Belgique, à Jersey puis à Guernesey, après le coup d’État du 2 décembre 1851 contre Napoléon Bonaparte. Sa présence n’est plus souhaitable à Paris où il s’est déjà fait quelques ennemis lors des émeutes ouvrières de 1848. Maitresse et épouse officielle le suivent dans son exil tandis qu’il reprend ses travaux d’écriture. Cette période sera sans doute la plus paisible de toute leur relation, ensemble ils parcourent la campagne, les contraintes s’éloignent, malgré l’implication d’Hugo dans de nombreuses causes.
Il est l’homme du siècle, celui de tous les combats. Toujours à proximité, Juliette le réconforte lorsqu’il doute et l’écoute des heures. Il se dit qu’elle inspira quelques pages des Misérables, en lui racontant son enfance au couvent. Elle lui sera fidèle pendant 50 ans, entièrement vouée à sa cause, recopiant ses manuscrits, excusant toutes ses incartades. Lorsqu’Adèle décède, elle passe encore plus de temps auprès de lui. Elle mourra le 11 mai 1883 et lui deux ans plus tard, le 22 mai 1885. Les cinquante ans de leur incroyable passion sont contenus dans quelque 20.000 lettres qu’ils se sont échangées, et figurent un trésor pour la littérature, qui a gardé ainsi l’empreinte de cet amour légendaire.
Sur la tombe de Juliette sont gravés quelques vers de Hugo, hommage à cette traversée du temps.